Le nouveau rapport du CCE montre qu’il existe une marge de manœuvre pour des augmentations salariales supérieures à l'indice

31/10/2023 - 14h

Le Conseil Central de l’Economie a publié le rapport annuel sur l’emploi-compétitivité, qui a été rédigé par les partenaires sociaux et auquel la CGSLB a également activement participé. Le rapport de cette année se focalise sur les causes et les conséquences de l'inflation exceptionnellement élevée qui s'est manifestée particulièrement depuis 2022 en Belgique et, plus largement, dans l'ensemble de l'Union européenne. L'inflation s'est élevée en moyenne à 9,6 % en 2022, la cause principale étant l'explosion des prix de l'énergie consécutive à la guerre en Ukraine et, plus tard, la forte inflation des produits alimentaires. De nombreux autres produits et services sont également devenus nettement plus chers, en partie à cause d'une forte hausse des prix de toutes sortes de matières premières due à la guerre en Ukraine et aux problèmes d'approvisionnement consécutifs à la crise du covid.

La Belgique a été encore plus sévèrement touchée que l'Allemagne et la France parce que les prix de l'énergie y ont augmenté davantage et que la consommation d'énergie par habitant y est aussi plus importante. Les salaires de la plupart des travailleurs belges sont fort heureusement indexés, mais avec un certain retard. Plus particulièrement, les travailleurs qui ne bénéficient de l'indexation qu'une fois par an ont subi temporairement une perte importante de leur pouvoir d'achat dans ce contexte d'inflation exceptionnellement élevée.

Le gouvernement fédéral indique avoir essayé de donner un coup de pouce aux ménages en prenant plusieurs mesures énergétiques, dont une prime au gaz et à l'électricité et une réduction de la TVA de 21 % à 6 %, mais ces mesures de soutien ont eu pour effet de freiner l'indexation, ce qui pose problème. Des recherches menées par la KU Leuven montrent qu'environ 80 % des ménages ressentent un impact net négatif de ces mesures énergétiques, car leur répercussion sur l'indexation des salaires a un impact négatif plus important au niveau des ménages que l'effet positif des mesures elles-mêmes. Il s'agit donc indirectement de réductions de charges généreuses pour les entreprises, dont le coût s'élève à plusieurs milliards.
 

En 2021 et 2022, les marges bénéficiaires brutes ont atteint des niveaux historiquement élevés

Alors que de nombreux ménages ont connu une période très difficile malgré la compensation (tardive) par l'indexation automatique des salaires, et que dans certains cas, ils connaissent encore aujourd'hui une période très difficile en raison de l'inflation élevée, les chiffres du rapport montrent que cela a été beaucoup moins le cas pour les entreprises belges. En effet, les marges bénéficiaires brutes ont atteint des niveaux historiquement élevés en 2021 et 2022 et étaient également beaucoup plus élevées que celles de nos principaux pays voisins. D’ailleurs, même en 2023, lorsque de nombreux salaires ont été indexés une seule fois de 10 à 11 %, ils sont restés supérieurs à la moyenne sur le long terme.

En outre, une analyse du CCE montre que cette progression des marges bénéficiaires a davantage contribué à la hausse des prix dans l'économie que l'augmentation des salaires. En effet, une analyse de la décomposition du déflateur du PIB mesurant l'évolution des prix à la production démontre que la contribution des marges bénéficiaires a été plus importante que celle du coût de la main-d'œuvre en 2022. Cela prouve clairement qu'aucune spirale salaires-prix ne s'est produite à la suite de l'indexation automatique des salaires.
 

Que penser de l'évolution du coût de la main-d'œuvre en Belgique ?

La principale question qui se pose alors est de savoir comment l'évolution des coûts salariaux en Belgique se situe par rapport aux pays voisins, étant donné que la formation des salaires en Belgique est fortement limitée par la loi de 1996 sur les normes salariales. Normalement, le CCE ne publie des chiffres à ce sujet qu'en février dans son rapport technique annuel, mais compte tenu du contexte exceptionnel dans lequel nous nous trouvons, il a intégré un calcul intermédiaire dans le rapport sur l'emploi et la compétitivité. Selon ces chiffres, le coût salarial horaire en Belgique augmenterait de 2,1 % plus vite qu'en Allemagne, en France et aux Pays-Bas entre 2020 et 2024. Étant donné que l'écart salarial officiel par rapport à ces pays voisins était de -0,4 % en faveur de la Belgique à la fin de 2019, ceci signifierait que l'écart salarial officiel à la fin de 2019 serait de 1,7 % d'écart par rapport à la Belgique. L'une des nombreuses dispositions strictes de la loi sur la norme salariale réformée prévoit que cet écart salarial résiduel doit être déduit de la prochaine marge salariale, ce qui devrait entraîner une absence de marge pour les augmentations salariales en plus de l'indice au cours de la période 2025-2026. Cependant, il s'agirait à nouveau d'une retombée injuste d'une loi qui manipule les chiffres salariaux : selon cette loi, on ne devrait pas tenir compte des subventions salariales reçues par les entreprises, ni des réductions d'impôts accordées dans le cadre du tax shift. Si ces éléments sont effectivement pris en compte, le point de départ à la fin de l'année 2019 était un écart salarial de -4,7% en faveur de la Belgique. Cela signifierait que nous aurions encore une avance significative de 2,6 % même à la fin de 2024. Dans ce contexte, les partenaires sociaux du Groupe des Dix seraient en mesure de négocier de manière satisfaisante une marge salariale convenable pour la période 2025-2026.
 

Ce sont surtout les ménages qui ont été mis à mal par la crise de l'énergie et de l'inflation

La principale conclusion du rapport du CCE est donc que l'écart salarial par rapport aux pays voisins n'a en aucun cas été réduit par l'inflation élevée et que les entreprises belges ont largement maintenu leurs marges bénéficiaires. Ce sont surtout les ménages qui ont souffert de la crise de l'énergie et de l'inflation et qui ont finalement besoin d'une augmentation des salaires réels venant s'ajouter à l'indice. Si les chiffres des salaires sont calculés correctement, il y aura de la place pour cela d'ici à la fin de 2024. La CGSLB continuera à plaider en ce sens, en particulier dans le cadre des prochaines négociations gouvernementales.

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