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Delhaize : la franchise pour nouveau modèle ?

27/03/2023 - 13h

Delhaize, présente depuis plus de 100 ans en Belgique, a décidé de faire passer tous ses magasins sous franchise. Une décision qui va mener à une dégradation de la qualité des emplois, mais peut-être aussi inspirer d’autres enseignes.

Delhaize a multiplié les annonces surprises ces derniers temps. Après des conciliations et de nouveaux engagements pris en septembre 2022, l’enseigne de supermarchés belge a dénoncé la convention collective de travail (CCT), et ce sans avoir proposé d’alternative. « Généralement, on négocie d’abord avec les syndicats pour convenir d’un nouvel accord, puis on dénonce l’ancienne CCT pour la faire remplacer par la nouvelle. Là ils n’ont rien proposé d’autre », explique Wilson Wellens, responsable sectoriel national de la CGSLB.

Plus aucun magasin en gestion propre

Une autre mauvaise nouvelle a été annoncée lors d’un Conseil d’entreprise (CE) extraordinaire le 7 mars, avec l’annonce du passage sous franchise des 128 magasins qui étaient encore intégrés. « On savait que ça allait être négatif, mais là c’était totalement inattendu, un moment très émotionnel pour le personnel », se souvient Wilson Wellens, présent au CE.

Les travailleurs s’inquiètent bien évidemment pour leur avenir. Leurs conditions de travail et leur rémunération sont protégées pendant six mois, soit grosso modo jusqu’en 2024 (la procédure se prolongera au moins jusque-là). Une fois qu’un magasin trouve un nouvel acquéreur et passe en franchisé, ces travailleurs passeront sous une autre commission paritaire, la CP201. Concrètement, les salaires diminuent, les conditions de travail sont plus difficiles et de nombreux avantages disparaissent. Par exemple, les horaires de soirée ne sont pas compensés par une augmentation de la rémunération. Une logique qui ne tient pas pour notre secrétaire permanent : « le job de caissier est en pénurie, donc les supermarchés devraient chercher à améliorer les conditions de travail pour attirer du personnel, mais c’est l’inverse qui se produit ».

Nouvelle tendance ?

Au lendemain de l’annonce, la délégation de la CGSLB a rencontré le ministre Dermagne pour lui faire part d’une autre inquiétude, celle que le cas Delhaize devienne un modèle pour les autres enseignes du secteur de la grande distribution, déjà plombé par plusieurs restructurations ces dernières années. Dans le cas présent, deux raisons ont sans doute poussé le groupe Ahold Delhaize à prendre cette décision :

  • moins de responsabilités et moins de risques, dans un secteur en difficulté. Si un franchisé souhaite licencier du personnel voire fait faillite, les préavis et autres indemnités sont à sa charge, pas à celle du groupe ;
  • une volonté de développer son pôle logistique qu’ils estiment être plus prometteur que son pôle « magasins », même si le passage sous franchise risque également de nuire à l’activité logistique (un franchisé peut s’approvisionner ailleurs).

Destruction de la concertation sociale

Au-delà de cette transition, ce sont les infractions au droit social de plus en plus fréquentes qui inquiètent notre responsable sectoriel. Les grandes entreprises installées en Belgique prennent des décisions importantes au regard de leur personnel sans chercher à négocier avec les syndicats. « Il n’y a pas suffisamment de contrôle par rapport à ces infractions, et pas assez de sanctions, on assiste véritablement à une destruction de la concertation sociale »,déplore Wilson Wellens.

Pour les employeurs, le calcul est simple, cela vaut la peine de prendre de telles décisions puisque les sanctions pénalisent moins que les avantages économiques qu’ils espèrent obtenir. Il faudra que le gouvernement prenne des mesures afin que la grande distribution n’évolue pas vers un mode de fonctionnement de type « fast-food », mais aussi que les organisations syndicales soient plus solidaires que jamais pour défendre les conditions de travail durement obtenues au fil des années.

Un CE éclair

Un nouveau conseil d’entreprise s’est tenu le 14 mars au siège social de Delhaize à Zellik. Face à l’absence du CEO du groupe, la discussion a tourné court, 15 minutes à peine, et les délégations syndicales ont aussitôt annoncé qu’elles refusaient catégoriquement le passage à la franchise. Une réunion marquée par une forte colère, légitime, des travailleurs qui se sentent complètement démunis face à cette situation. « C’est la pire des choses de notre point de vue libéral, c’est de ne pas avoir le choix. Ces travailleurs doivent accepter de voir leurs conditions de travail et leur salaire décliner, soit démissionner et se retrouver avec rien », commente Wilson Wellens. Des actions se poursuivront dans les semaines et mois à venir, avec pour objectif que Delhaize abandonne ce projet de franchise. À moins que les travailleurs passent dans ce nouveau système en gardant leurs avantages.

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