Des conditions de travail solides qui permettent d’être confiant

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    La crise du coronavirus constitue, à divers égards, un « stress test » pour les relations et l'organisation du travail, mais aussi pour les relations humaines et sur le plan du droit du travail. Les risques pour la santé sur le lieu de travail entraînent des mesures organisationnelles drastiques. La santé physique et mentale des travailleurs est mise à l'épreuve. Le living devient le nouveau lieu de travail. Les travailleurs qui doivent s'occuper de leurs enfants tout en travaillant pendant le confinement ne savent plus où donner de la tête. Si dans certains domaines, on a réussi à passer le test, nous constatons d'importantes lacunes.

    Des bracelets électroniques avec GPS, qui permettent de suivre les faits et gestes en permanence ou qui vibrent dès que la distanciation sociale n'est pas respectée. Des caméras thermiques qui mesurent la température corporelle, ou des caméras intelligentes qui permettent de détecter si les distances entre les travailleurs sont respectées. Des employeurs qui surveillent leurs télétravailleurs par le biais de la webcam de leur ordinateur portable… Cette crise sanitaire incite bon nombre d’employeurs à expérimenter de nouvelles technologies sur le lieu de (télé)travail. Si c'était déjà la tendance, le rythme de cette évolution a pris une ampleur sans précédent. Toutefois, n’oublions pas que l’introduction de nouvelles technologies est soumise au respect de la vie privée et à la dignité des travailleurs et doit faire l’objet d’une concertation sociale au sein de l’entreprise. Il existe un instrument juridique pour s'assurer que tout se passe bien de façon légale : la CCT n° 39, mais une mise à jour s’impose…

    Malgré les conditions difficiles dans lesquelles une grande partie de la population active doive travailler à domicile pendant cette crise du coronavirus (46,4 % à temps plein, 18,5 % à temps partiel), le système du télétravail deviendra à l’avenir une pratique courante, souhaité tant par les travailleurs que par les employeurs. Avant l’arrivée du coronavirus, seule une personne sur cinq travaillait régulièrement depuis son domicile, alors qu’il y avait du potentiel : pour plus de la moitié (55 %) des travailleurs, il était déjà possible de télétravailler au moins deux jours par semaine. Six Belges sur dix indiquent vouloir poursuivre le télétravail, minimum 2 jours par semaine, une fois les mesures de confinement arrêtées. De plus en plus d’employeurs belges sont favorables à cette idée et ne sont donc plus sceptiques. Organiser le télétravail a nécessité de faire des investissements supplémentaires, mais les chefs d’entreprise ont constaté que cela leur a permis de réaliser des gains de productivité, d’avoir un retour sur investissement, de réaliser des économies, etc. Le seul problème, c’est que le télétravail a été introduit dans de nombreuses entreprises sans encadrement formel et souvent de manière unilatérale, imposé par l'employeur. Afin de réellement aboutir à une situation « gagnant-gagnant », le télétravail devra, après la crise du coronavirus, être soumis à des règles claires et des accords pertinents.

    Suite à cette crise du coronavirus et le confinement qui en résulte, bon nombre de travailleurs n’ont jusqu’à présent pris aucun jour de vacances. Certains travailleurs n’ont pas eu le choix et étaient obligés de continuer à travailler tout au long de cette période. La législation belge en matière de vacances prévoit que les jours de congés doivent être épuisés au cours de l'année de vacances, entre le 1er janvier et le 31 décembre. Une autre difficulté qui caractérise notre pays – et que la CGSLB dénonce depuis des années – a particulièrement resurgit pendant cette crise : les travailleurs qui tombent malades pendant leurs vacances et ne sont pas autorisés à reporter leurs jours de congé pris à un autre moment.

    Avec la fermeture des écoles et des crèches, l’une des mesures prises dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, il est devenu clair que les systèmes actuels de congé parental et de congé d’assistance familiale ne sont pas adaptés aux besoins des parents. Pour soulager ceux qui ont des difficultés à s'organiser alors qu'ils sont contraints de travailler et de garder leurs enfants, le gouvernement a même créé un nouveau type de congé parental à la dernière minute, « le congé corona ». Le fait que la communication ne fût pas clair du tout et que pour bon nombre de travailleurs cette mesure est arrivée trop tard illustre bien le flou artistique de la mise en œuvre de ce congé corona. Par ailleurs, ces différents systèmes de congé ne correspondent pas non plus aux besoins réels des travailleurs en raison de l’existence de la condition d’âge qui y est liée. En outre, la réglementation actuelle ne tient pas compte des personnes qui ont été forcées d’interrompre leur carrière professionnelle pour des raisons de faillite de leur entreprise, ou parce qu’elles ont été victimes d'un licenciement ou d'une occupation sous contrat précaire. Il serait utile de réévaluer les règles des congés actuelles, tout en respectant le rôle du dialogue social. Tous ces types de congé devraient être accessibles à tous les travailleurs, quel que soit leur type de contrat de travail ou leur ancienneté dans l'entreprise.

    Les travailleurs ne sont pas des machines. La durée du confinement longue et solitaire, en plus de la peur d’être contaminé, sont des situations qui mettent le mental des individus à l'épreuve et qui se feront sentir pendant très longtemps encore. Le taux de personnes souffrant d’un niveau d'anxiété supérieur à la moyenne est estimé à 15%. Le nombre de personnes qui manifestent une souffrance mentale persistante, tel qu’un burn-out ou des problèmes psychosociaux n’a jamais été aussi élevé. L’une des priorité des employeurs, dès que cette pandémie sera derrière eux, sera de veiller au bien‑être mental et physique de leurs travailleurs, en particulier du personnel de première ligne.

    Le système belge de concertation sociale, et plus particulièrement l’organisation d’un dialogue social au niveau de l’entreprise entre les représentants des employeurs et ceux des travailleurs qui traite les questions de la santé et de la sécurité au travail, a montré son efficacité. Cet atout devra être pleinement exploité lorsque les entreprises reprendront leur activité dans ce contexte tendu qui produira des effets négatifs à long terme, comme nous venons de l’expliquer. La concertation sociale constitue le moyen par excellence pour mettre en œuvre les nouvelles mesures de santé et de sécurité, suite à la crise du coronavirus. L’importance de dispositions concertées et d’une communication transparente sur le lieu de travail ne doit plus être soulignée. Toutefois, il existe en Belgique encore de nombreuses sociétés qui ne disposent pas de tel organe consultatif. Ainsi, les employeurs occupant moins de 50 travailleurs ne doivent pas instaurer un Comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT), un obstacle important par rapport au reste de l'Europe. Dans des pays européens, tels que l'Allemagne, la France, la Finlande, le Danemark et l'Autriche, la barre est placée beaucoup moins haut lorsqu’il s’agit de se concerter entre travailleurs et employeurs. Il est certain que dans bon nombre de petites et moyennes entreprises belges, les effets positifs de cette concertation sur la santé et la sécurité des travailleurs n’existent pas.

    Si la Belgique souhaite réussir sa relance économique après cette crise, le gouvernement doit prendre toute une série de nouvelles mesures qui fournissent une réponse adéquate à toutes ces questions.
     

    Les propositions politiques

    La CGSLB demande l'élargissement et l'approfondissement de la CCT n° 39. Concrètement :

    • une extension du champ d'application à toutes les entreprises, quel que soit leur effectif en personnel. Pour les entreprises où il n’existe pas de représentation des travailleurs (ni de CPPT ni de délégation syndicale), l'information et la consultation pour les questions qui concernent le bien-être devraient être organisées (cf. la procédure de participation directe des travailleurs). 
    • la concertation sociale devrait être étendue à un cinquième thème, à savoir la vie privée sur le lieu de (télé)travail. Pour les entreprises qui ont désigné un Data Protection Officer (DPO), cette personne devrait obligatoirement participer à cette concertation.
    • outre les sessions d'information et de consultation des travailleurs, il faudrait instaurer une évaluation périodique.
       

    La CGSLB demande que le droit au télétravail soit étendu de manière substantielle. Concrètement :

    • pour les fonctions qui permettent de télétravailler : un droit au télétravail structurel (y compris le bureau satellite et le travail mobile) d'au moins 2 jours par semaine à l'initiative du travailleur. Ce choix devrait être révocable. L’employeur ne pourrait refuser – de manière motivée – la demande que si celle-ci a trait à une fonction qui ne se prête pas au télétravail. Une liste non exhaustive des professions qui permettent de télétravailler devrait être établie au niveau sectoriel ou au niveau de l’entreprise.
    • le télétravail implique des coûts supplémentaires pour le travailleur. Lorsqu'un bureau satellite ne peut être mis à sa disposition, l'employeur devrait, en plus de l'indemnité existante en vertu de la CCT n° 85, contribuer aux frais de bureau de son travailleur en télétravail. Le montant de l'indemnité serait calculé prorata temporis (2 jours/semaine = 100 %, 1 jour/semaine = 50 %).  
    • le télétravail structurel permet de réduire considérablement le temps perdu dans les embouteillages et donc le coût qui y est lié. Afin de pouvoir contrôler si les entreprises font suffisamment d’efforts pour permettre le télétravail à leurs travailleurs, le nombre de jours de télétravail devrait être repris dans le bilan social de l'entreprise.
    • le télétravail structurel peut alors être intégré comme indicateur dans les plans de déplacements des entreprises. Il nous semble pertinent que ce type de plans soient introduits dans toutes les entreprises dans les différentes Régions du pays.
    • l’ensemble des dispositions de la loi du 16 mars 1971 sur le travail devraient être rendues applicables aux télétravailleurs à domicile.
       

    Dans cette optique, la CGSLB appelle à une vision plus large de la multimobilité :

    • Les transports publics ne constituent pas toujours la meilleure option, ni la plus sécurisée pour se rendre au travail. En même temps, pour de nombreux travailleurs, la voiture reste le moyen de transport le plus facile, surtout lorsque les transports en commun posent un risque réel en termes de santé (comme c’est le cas actuellement dans ce contexte de coronavirus). Afin d'éviter les phénomènes croissants de la voiture à passager unique, des embouteillages et de la pollution de l’air, la CGSLB insiste sur un investissement important dans des infrastructures cyclables de qualité et sûres.
    • En outre, la CGSLB plaide pour une indemnité vélo obligatoire (et non pas facultative), à payer à tout travailleur dans le cadre de ses déplacements domicile-travail à vélo.
       

    La CGSLB demande que la réglementation relative aux vacances soit adaptée. Concrètement :

    • la législation belge sur les vacances annuelles devrait se conformer à la directive européenne en la matière, pour que le travailleur étant dans l’impossibilité d’épuiser son droit aux congés pendant l’année de vacances puissent reporter ces jours sur l'année de vacances suivante.
    • la conversion des jours de vacances en jours d’incapacité, lorsque le travailleur tombe malade pendant la période de vacances, devrait être possible.
       

    La CGSLB demande que le congé parental soit améliorée substantiellement. Concrètement :

    • la durée du congé parental devrait être allongée de 6 mois par enfant, pour qu’un étalement plus important sur la carrière professionnelle soit possible. Il devrait être accordé à tous les parents d'enfants jusqu'à l’âge de 16 ans.
    • le congé qui permet actuellement de s'occuper de son enfant jusqu'à l'âge de 8 ans devrait être autorisé jusqu’à l’âge de 16 ans.
    • il devrait être possible de transformer la condition d'ancienneté, d'un commun accord avec l'employeur, en une condition de carrière, quel que soit l'employeur auprès duquel le nombre d’années a été presté (autrement dit, cette possibilité ne devrait pas seulement être offerte aux travailleurs disposant d’ une ancienneté dans l'entreprise) et quel que soit le type de contrat de travail (les intérimaires devraient aussi pouvoir en bénéficier).
       

    La CGSLB demande qu’une attention renouvelée soit portée à la politique de santé et de sécurité dans le droit social. Concrètement :

    • compte tenu de la plus-value que représentent les CPPT en matière de sécurité et de prévention dans les entreprises, plus particulièrement dans le cadre de la crise sanitaire, il faudrait abaisser le seuil électoral pour cet organe de concertation.
    • les projets liés à une organisation du travail innovante devraient bénéficier d’un soutien financier maximal.
    • le burn-out devrait être reconnu comme maladie professionnelle.
    • une approche multidisciplinaire dans la prévention du burn-out et des risques psychosociaux devrait être encouragée.
    • actuellement, il n’y a pas assez de médecins du travail. Il faudrait pallier la pénurie de ce personnel de santé et assurer un meilleur suivi de la surveillance de la santé en général.
    • la concertation entre les acteurs impliqués (Conseil national du Travail, Fedris, INAMI, Mobius) devrait être améliorée afin d'évaluer de manière optimale les projets pilotes en matière de prévention du burn-out.
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