Les syndicats sont-ils les fossoyeurs du commerce belge ?

12/07/2017 - 13h

L’e-commerce se développe et doit continuer à se développer, c’est un fait que personne ne peut nier. Les habitudes de consommation ont changé et les entreprises doivent s’adapter, sous peine de perdre des parts de marché avec, comme corollaire quasi immédiat, la perte d’emplois. Dans le secteur du commerce et de la logistique, le développement de l’e-commerce (et du travail de nuit) est possible depuis plusieurs années déjà et ce, à condition de respecter certaines règles. Insuffisant pour certains lobbys patronaux, qui dénoncent à tout-va la nécessité d’assouplir davantage le marché du travail. Les syndicats sont diabolisés, ce sont eux qui empêcheraient l’e-commerce de prendre son envol en Belgique. Stop aux fausses vérités.
 

Un accord-cadre sur l’e-commerce existe dans les CP du commerce et pourtant…

En 2015, une table ronde regroupant le ministre Peeters, employeurs et syndicats avait permis d’aboutir à la conclusion d’un accord-cadre sur l’e-commerce (et en particulier sur le travail de nuit) et ce, pour toutes les commissions paritaires du commerce. Concrètement, de l’épicier du coin à l’hypermarché, il est donc techniquement possible d’implémenter le travail de nuit dans le cadre d’une activité e-commerce. Et ce, sous certaines conditions, comme une modification du règlement de travail ou la signature d’une convention collective de travail (par les trois organisations syndicales). Un cadre précis est nécessaire pour éviter les dérives.

Or, depuis la conclusion de cet accord-cadre, très peu d’entreprises (Ikea par exemple) ont pris contact avec les syndicats pour mettre effectivement en œuvre des activités de ce type. Une situation dont se plaignent régulièrement les représentants de Comeos (la fédération des employeurs du commerce), rendant par la même occasion les organisations syndicales responsables de la non venue de milliers d’emplois en Belgique. Un cadre qui serait ‘trop strict’, une concertation sociale qui étoufferait les impulsions des entreprises désireuses de se lancer dans l’e-commerce.

De son côté, le politique semble jouer le jeu des employeurs : le projet de loi Peeters introduit notamment une dérogation générale à l’interdiction du travail de nuit « pour la réalisation de tous les services logistiques et de soutien liés au commerce électronique. » Certains bruits (une notification du conseil des ministres prévoit explicitement un assouplissement s’il n’y a pas de résultats d’ici fin mars) laissent même entendre que suite au lobby patronal, de nouvelles facilités pourraient être accordées pour introduire le travail de nuit dans les entreprises, non plus seulement dans le cadre du e-commerce mais de manière générale…
 

L’e-commerce, une réalité depuis plusieurs années déjà

Les fédérations patronales oublient que les entreprises n’ont pas attendu cet accord-cadre pour développer leur e-commerce. Tout d’abord, les grandes enseignes belges n’ont pas toujours eu recours au travail de nuit lorsqu’elles ont développé leur e-commerce, de nombreux exemples existent (Carrefour, Cora, etc.). De même, certaines entreprises n’ont pas toujours choisi de développer cette activité dans les commissions paritaires du commerce (par exemple, Colruyt n’a qu’une partie de son e-commerce dans les CP du commerce, l’autre partie est dans la logistique). En effet, la plus grande partie des activités de e-commerce font essentiellement appel à du transport et de la logistique, c’est également le cas pour les e-commerçants étrangers sur le territoire belge. Certaines entreprises font appel à de la sous-traitance pour les aspects liés à l’envoi de marchandises. Travailler avec des entreprises comme Bpost, PostNL, DHL, UPS, FEDEX, etc. (faisant partie de la commission paritaire de la logistique, où il existe du travail de nuit sur base de CCT depuis bien longtemps) est largement répandu. D’autres ont gardé cette activité dans leurs mains via leurs dépôts ou via des filiales qui sont elles aussi logées dans des commissions paritaires du secteur de la logistique (où soit dit en passant, les conditions de rémunération sont plus élevées que dans le commerce).

Contrairement à Comeos, c’est le bien-être des travailleurs qui nous occupe. Pour eux, à chaque fois qu’une activité est organisée dans la logistique et pas dans le commerce, c’est un affilié qui le quitte… Une part de marché en moins. C’est là que l’idéologie est au service du portefeuille des fédérations patronales !
 

Développer l’e-commerce par le dialogue social

Est-ce qu’un jour un géant comme Amazon viendra s’installer en Belgique ? Nous ne le savons pas. Par contre, ce dont nous sommes certains, c’est qu’un cadre clair existe en matière d’e-commerce et que le travail de nuit est possible. Organisations syndicales et employeurs ont des intérêts communs quand il s’agit de maintenir ou de développer de l’emploi. Un bel exemple est celui de l’entreprise Torfs (vente de chaussures) qui vient d’annoncer avoir conclu un accord sur l’e-commerce et le travail de nuit. C’est la volonté qui fait la vraie différence.

A l’aube des négociations sectorielles, nous espérons que les employeurs et surtout leurs représentants auront à cœur d’œuvrer avec les organisations syndicales pour que chaque entreprise puisse continuer à développer de l’emploi dans un marché toujours plus concurrentiel. Et de faire en sorte que tous jouent à armes égales, en cessant enfin le dumping social intra belge. La concertation sociale n’est pas celle qui enterre le (e-)commerce en Belgique. Au contraire, elle vise à donner vie à de vraies perspectives d’avenir pour les travailleurs et les entreprises.

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