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Le travail à domicile : une affaire de femmes ?

26/02/2021 - 14h

Dans son rapport « Le travail à domicile : De l'invisibilité au travail décent », l’Organisation internationale du Travail (OIT) pose un constat sans appel : la majorité des travailleurs à domicile (notion qui englobe le travail industriel à domicile, le télétravail et le travail à domicile sur des plateformes numériques) sont des femmes.

Il est important de noter que les chiffres du rapport sont ceux de 2019, et il est évident que la crise du coronavirus fera exploser le nombre de travailleurs à domicile en 2020.

56 % de travailleuses !

L’OIT estime à 260 millions le nombre de travailleurs à domicile en 2019. Parmi eux, 147 millions sont des femmes, soit 56 %. La proportion des femmes travaillant depuis leur domicile (11,5 %) est bien plus élevée que celle des hommes (5,6 %). Plus édifiant encore, quel que soit le niveau de richesse d’un pays, la majorité des travailleurs à domicile restent des femmes. Toutefois, plus un pays est riche, moins la différence se fait sentir. Ainsi, les femmes représentent 65 % des travailleurs à domicile dans les pays à faible revenu, 56 % dans les pays à revenu intermédiaire et un peu plus de la moitié dans les pays à haut revenu.
 

Deux empmplois pour un salaire

L’OIT explique qu’il n’est pas surprenant qu’autant de femmes travaillent à domicile. Ce fait est étroitement lié au rôle des genres : les femmes continuent majoritairement à assumer le « travail de soin non rémunéré » (ménage, enfants etc.) et le travail à domicile leur permet de concilier revenus professionnels et ces responsabilités de soin. Enfin, cette surreprésentation des femmes peut également s’expliquer par des normes culturelles, qui font qu'il est difficile pour certaines femmes de quitter la maison pour aller travailler.
 

Renforcement de la réglementation

L’OIT constate que la réglementation en matière de travail à domicile est souvent insuffisante et qu’en assurer le respect n’est pas toujours facile. C’est pourquoi le rapport formule différentes recommandations afin d’améliorer la situation des travailleurs et travailleuses à domicile : meilleure protection juridique et sociale, instauration d’un droit à la déconnexion (pour respecter la frontière vie privée/vie professionnelle), prise en compte des risques psychosociaux, etc. Renforcer la protection du travail à domicile aura donc indirectement un effet bénéfique sur la situation des femmes !
 

Travail à domicile ou télétravail

En Belgique, il est possible de travailler depuis son domicile, grosso modo, de deux manières différentes. La première est de conclure un contrat d'occupation de travailleur à domicile avec un employeur. Ce type de contrat est régi par la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail. La seconde est de télétravailler. Il existe deux types de télétravail : le télétravail structurel, organisé de manière régulière, et le télétravail occasionnel organisé de manière ponctuelle (en raison d’une force majeure ou d’une raison personnelle qui empêche le travailleur de se rendre à son lieu de travail). Le télétravail structurel est régi par la convention collective de travail n° 85 tandis que le télétravail occasionnel est régi par la loi du 5 mars 2017 concernant le travail faisable et maniable. En outre, le Conseil national du Travail a adopté, le 26 janvier 2021, la CCT n° 149 concernant le télétravail recommandé ou obligatoire en raison de la crise du coronavirus (ci-après « Télétravail COVID-19 »). La CCT prévoit un régime temporaire spécifique au télétravail COVID-19. Les employeurs qui, à la date du 1er janvier 2021, n’avaient pas encore instauré de régime de télétravail (structurel ou occasionnel) dans leur entreprise devront appliquer cette convention collective en matière de télétravail.

Les partenaires sociaux vont maintenant poursuivre leurs travaux au CNT afin d’évaluer la législation actuelle entourant le télétravail et, si nécessaire, la réformer. La CGSLB participera bien entendu à ces travaux !
 

Violence et harcèlement

Avec l’arrivée de la pandémie de la COVID-19 ainsi que les mesures d’urgence prises par les pays afin de limiter la propagation du coronavirus, le domicile est en effet devenu le lieu de travail pour un bon nombre de travailleurs et de travailleuses. Bien que les chiffres de la violence domestique dans le monde étaient alarmants avant la pandémie, les mesures de confinement adoptées s’accompagnent d’une montée en flèche des violences au sein du foyer. L’Organisation des Nations Unies constate une augmentation de 30 % de la violence conjugale dans plusieurs pays. En avril, en Europe, les appels d’urgence faits par des femmes menacées ou frappées ont augmenté de 60 % par rapport à la même date l’année d’avant. À cela s’ajoutent les faits de harcèlement moral qui se sont sensiblement multipliés pendant le confinement où le travail à domicile est à son apogée. Les travailleurs et travailleuses à domicile se voient questionnés plus régulièrement et analysés minutieusement sur leur production et leur travail du fait du manque de confiance de la hiérarchie. La méfiance de l’entreprise sur la qualité de travail s’accroît davantage à l’égard des femmes car celles-ci doivent jongler entre le travail et la vie personnelle, le conjoint et les enfants.

L’environnement professionnel peut néanmoins jouer le rôle de bouclier contre le harcèlement et les violences car il limite les contacts avec l’auteur de violences conjugales et permet d’accéder à du soutien, notamment de la part des collègues de travail qui peuvent aussi faire appel aux représentants et représentantes du personnel ou aux ressources humaines lorsqu’ils présument un travailleur ou une travailleuse en détresse. Le travail à domicile est en effet en train de poser de nouvelles questions d’obligations, de devoirs, de responsabilité, des employeurs et des salariés, sur mille fronts inédits, particulièrement sur la violence et le harcèlement sur le milieu du travail. La convention 190 (C190) et la recommandation 206 sur la violence et le harcèlement de l’Organisation internationale du Travail (OIT) fournissent des orientations essentielles sur la façon de faire face à la violence fondée sur le genre dans le monde du travail.
 

La Convention 190 va au-delà du seul lieu de travail

Adoptée par la Conférence internationale du Travail en juin 2019, la convention 190 est un instrument historique. C’est la première norme internationale du travail à traiter de la violence et du harcèlement dans le monde du travail. De plus, son champ d’application est le monde du travail, qui englobe bien plus que le seul lieu de travail. Dans ce contexte de crise sanitaire mondiale et d’insécurité économique, la violence et le harcèlement s'accroissent tout en mettant en péril les avancées pour un travail décent. La convention 190 a un rôle crucial à jouer, en temps de prospérité ou de crise, dans l’élaboration d’une réponse et d’un redressement centrés sur l’humain, qui s’attaquent à l’injustice et contribuent à la construction d’une meilleure normalité, exempte de violence et de harcèlement au travail. La ratification des Fidji, la deuxième après celle de l’Uruguay, permettra à la convention 190 d’entrer en vigueur dans un an. La convention 190 n’a pas encore été ratifiée par la Belgique.

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