Licenciement pour motif grave : toute faute grave n’est pas considérée comme un motif impérieux qui permet à l’employeur de procéder immédiatement au licenciement du travailleur

20/07/2022 - 18h

Introduction

Lorsqu'un employeur souhaite mettre fin au contrat de travail d'un travailleur, il est en principe obligé de lui notifier un délai de préavis ou de lui verser une indemnité de rupture correspondant à la durée du délai de préavis.

Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles qu'un employeur peut mettre fin immédiatement au contrat de travail, sans préavis ni indemnité. C'est ce que l'on appelle le licenciement pour motif grave.

En raison de l'impact négatif important de cette forme de licenciement sur le travailleur (il perd son emploi du jour au lendemain et n'a pas immédiatement droit aux allocations de chômage), les limites de cette forme de licenciement sont strictement définies par la loi (article 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail). Il y a des conditions de forme (comment procéder à un licenciement ?) et de fond (pourquoi procéder à un licenciement ?) à respecter.

Pour qu'il soit question de motif grave (condition de fond), les trois conditions suivantes doivent être réunies simultanément :

  1. il doit s'agir d'un manquement grave : le travailleur a par exemple commis une faute grave,
  2. cette faute rend impossible de continuer la collaboration,
  3. et ce de manière immédiate et définitive.

En cas de litige, c'est au juge d'apprécier la gravité de la faute eu égard aux circonstances spécifiques. De nombreux litiges portés devant un tribunal du travail ont trait à ce sujet.

L'arrêt que nous aborderons ce mois-ci vise la dernière condition mentionnée ci-dessus. On se pose la question de savoir si toute faute grave justifie la résiliation immédiate du contrat de travail par licenciement pour motif grave (Cour du travail de Bruxelles, 18 janvier 2022, RG 2019/AB/4).

Les faits /l’action en justice

Un travailleur est employé comme coursier. Il doit livrer tous les jours des marchandises à des clients, dans un délai strictement défini. Il doit travailler sous la pression du temps, ce qui est une source de stress.

Pendant son occupation, plusieurs incidents se produisent, tous indirectement liés à l'attitude du travailleur : il a un comportement agressif et arrogant et manque de respect envers son supérieur hiérarchique, mais aussi envers les clients. Il reçoit plusieurs lettres d’avertissement.

Après un ultime incident, l'employeur décide de rompre le contrat de travail immédiatement, en invoquant des motifs graves. Comme  le travailleur n'est pas d'accord, il saisit le tribunal du travail qui lui donne raison. Cependant, l’employeur interjette appel contre cette décision.

La décision de la Cour du travail de Bruxelles

Les faits n'étant pas contestés, il faut surtout prouver que ceux-ci sont graves au point de rendre impossible de continuer toute collaboration et qu’il est dès lors nécessaire de rompre immédiatement le contrat de travail.

Dans son arrêt, le juge rappelle aux parties qu’une faute grave ne constitue pas nécessairement un motif impérieux. Ceci n'est le cas que si la faute a un impact tel que toute collaboration en devienne impossible.

Certaines fautes graves justifient le licenciement pour motif grave, d’autres non. Il appartient au juge d'apprécier, au cas par cas, la gravité de la faute commise eu égard aux circonstances précises.

En l'espèce, le juge a considéré que le comportement inapproprié du travailleur envers ses interlocuteurs constitue bel et bien une faute grave. Toutefois, il a estimé que des circonstances spécifiques doivent être prises en compte ici, à savoir le stress causé par les délais de livraison stricts. Selon lui, l'employeur avait d'autres options que de recourir à la sanction la plus lourde. Le caractère contraignant, l'accomplissement de la 3ème condition pour qu’il soit question d'un licenciement pour motif grave, n'a donc pas été prouvé.

Par conséquent, le juge a décidé que le licenciement pour motif grave n'est pas justifié et que le travailleur licencié a droit à l’indemnité de rupture.

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