Le gaz de schiste : la fausse bonne idée

21/03/2013 - 14h

En 5 ans, la production de gaz de schiste a été multipliée par 14 ! Une progression qui ne manque pas de provoquer une frénésie dans plusieurs pays à travers le monde. L’exploitation se généralise progressivement, ce qui pourrait changer la donne de la géopolitique liée aux énergies fossiles. Un enjeu colossal face auquel le souci environnemental pourrait ne pas faire le poids… ?

La transition énergétique qui substitue les énergies renouvelables aux combustibles fossiles est en marche. Tout comme la subite progression de la production de gaz et pétrole de schiste. Déjà exploitée aux États-Unis - qui en découvre les revers - cette ressource divise les opinions en Europe. Les pays qui en disposent en grande quantité, se posent la question de l’opportunité de se lancer dans son exploitation : est-ce la solution pour réduire la facture énergétique ?

La quête d’un carburant pas cher l’emportera-elle sur les considérations écologiques ? Les institutions veulent désormais lancer le débat et l’Europe, elle, souhaite mettre en place « un cadre de gestion des risques » autour de ces questions.
 

Au fait, c’est quoi le gaz de schiste ?

C’est avant tout du gaz naturel. Celui que nous brûlons de plus en plus pour nous chauffer. Ce combustible fossile se forme au cours des dizaines de millions d’années et se trouve piégé dans la roche sédimentaire la plus commune sur la planète : le schiste. Le gaz de schiste, qualifié de « non conventionnel » à jusqu’ici été essentiellement développé en Amérique du Nord, en réponse à la baisse de la production de gaz conventionnel. Au niveau européen, des pays comme la Pologne ou plus récemment le Royaume-Uni, se lancent dans la course. En Belgique, il semble selon plusieurs experts que le sous-sol recèle trop peu de réserves de gaz de schiste pour rendre leur exploitation rentable, tant mieux pour l’environnement.
 

Mais pourquoi en parle-t-on soudain autant ?

C’est en effet étrange puisque ce gaz est connu depuis plus de 150 ans. La prospection a débuté dans les années 1970-1980 aux États-Unis, mais le boom de la production s’est produit dès 2005. L’engouement pour le gaz de schiste est dû aux progrès technologiques qui ouvrent désormais de nouvelles perspectives en matière d'extraction. Selon un récent rapport de l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA), la production est passée à 85 milliards en 2009 et est estimée à 260 milliards en 2012.
 

Techniques d’exploitation

Les principales difficultés rencontrées dans l’exploitation des gaz non conventionnels sont liées à la faible perméabilité des roches. Un forage vertical seul ne suffirait pas.

Pour extraire le gaz à une large échelle et à moindre coût, deux technologies sont simultanément mises en oeuvre : d’une part, la fracturation hydraulique dont le but est d’augmenter la perméabilité de la roche et de faciliter l’extraction du gaz, et d’autre part le forage horizontal.

La fracturation se fait par un mélange d’eau, de sable et d'un cocktail de produits chimiques (carburant diesel, benzène et solvants industriels…) injectés à très haute pression. Seule une partie de ce mélange remonte à la surface.
 

Question d’impact

L’exploitation des gaz non conventionnels est l’objet de nombreux débats, notamment autour de leur impact sur l’environnement, la biodiversité et sur le changement climatique.
 

Consommation en eau

L’exploitation du gaz de schistes nécessite ponctuellement une grande quantité d’eau. Chaque fracturation consomme quasiment 15 millions de litres d’eau (soit 15 000 m3), un puits pouvant être fracturé jusqu’à 14 fois ! Dans les régions où l’eau est peu abondante, le problème de la disponibilité de l’eau et des conflits d’usage se pose : consommation humaine et animale, irrigation des terres, industrie agroalimentaire, etc.
 

Risque de pollution des nappes phréatiques

Outre les énormes volumes d’eau nécessaires à l’exploitation du gaz de schiste, on observe des risques de pollution des nappes phréatiques. En effet, pendant leur exploitation, les puits de gaz de schiste peuvent laisser fuir des boues contaminées, du méthane et une partie du redoutable liquide de fracturation. C’est ce qui s’est produit en Pennsylvanie en 2008-2009 : puits contaminés, eau imbuvable, animaux malades et air irrespirable. Un puits a même explosé en juin 2009, répandant du gaz et de l’eau contaminée pendant seize heures.
 

Effet de serre

Même si l’utilisation du gaz de schiste libère moins de CO2 qu'une centrale à charbon ou à pétrole, son extraction aurait un impact sur le réchauffement climatique. Le méthane qui s’échappe pendant l’exploitation a un potentiel de réchauffement global fois 25 plus important que le CO2. L’impact du gaz de schiste sur le réchauffement climatique serait ainsi supérieur à celui du charbon…
 

Nuisances locales

Au niveau du forage, chaque puits horizontal nécessite un à deux mois de forage, 24 heures sur 24 ! Ceci cause d’importantes nuisances pour les populations locales. L’approvisionnement en eau implique de multiples voyages de camions-citernes. Inévitablement, les habitations situées à proximité des puits ou sur le trajet des camions sont dérangées par le bruit, la poussière, la lumière et les odeurs. Sans oublier l’impact sur le paysage.

Il est certes nécessaire de cerner et de voir l’ampleur de l’impact environnemental du gaz de schiste, cependant, ils ne se limitent pas à cela. D’autres paramètres d’analyse, comme les impacts économiques et géopolitiques sont nécessaires pour bien cerner les enjeux d’une expansion de la production de gaz de schiste en Europe et dans les autres régions du monde.

Conventionnel, non conventionnel ?

Par gaz conventionnels on entend, respectivement,

  • les gaz enfermés dans un réservoir naturel qui contient à la fois du gaz et du pétrole, les deux éléments étant mélangés ;
  • les réservoirs contenant uniquement du gaz ;
  • et, les réservoirs dans lesquels le gaz se trouve au dessus du pétrole également présent.

Dans l’exploitation des gaz conventionnels, un « simple » forage vertical suffit pour faire remonter le gaz naturellement, du fait de la différence de pression.

Les gaz non conventionnels peuvent eux aussi être divisés en trois catégories.

  1. Les gaz de réservoirs compacts : ces gaz sont très proches des gaz conventionnels, à l’exception du fait que la « roche réservoir » qui les contient est très peu perméable, ce qui rend l’exploitation compliquée.
  2. Les gaz de schiste : les gaz de schiste sont localisés dans une roche mère, car ils n’ont pas encore migré vers une « roche réservoir », comme les gaz conventionnels ou les gaz de réservoirs compacts. Dans la quasi-totalité des cas, cette roche mère  affiche une perméabilité encore plus faible que les gaz de réservoirs compacts.
  3. Les gaz de charbon : ces gaz s’apparentent au gaz de schiste, à l’exception du fait que la roche mère est une veine de charbon.

Qu’il s’agisse de gaz conventionnel ou non, la ressource exploitée est toujours du gaz « naturel » dans tous les cas c’est-à-dire principalement du méthane (CH4).
 

Opinion publique

Pour encadrer les pratiques liées au développement des combustibles fossiles non conventionnels y compris le gaz de schiste, et de minimiser les risques, la Commission européenne est en train d’élaborer un « cadre de gestion des risques » à soumettre d’ici la fin de l’année 2013. Il s’agit de s'assurer que le développement des combustibles fossiles non conventionnels s'accompagne :

  • de garanties sanitaires, climatiques environnementales et sociales adéquates ;
  • d'un maximum de sécurité et de prévisibilité juridiques, tant pour les citoyens que pour les opérateurs,
  • d’une assurance que les avantages potentiels en matière d'économie et de sécurité énergétique peuvent être réalisés.

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