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Réforme des pensions : qu’en pense la CGSLB ?

18/09/2023 - 14h

Librement a interrogé la Secrétaire nationale Sabine Slegers, qui représente le Syndicat libéral au sein du Comité de gestion du Service fédéral des Pensions et de la sous-commission ad hoc « Pensions » instituée au sein du Conseil national du Travail.

Le 9 juillet, le gouvernement est parvenu à un accord (qui n’est pas un texte de loi) sur un certain nombre de mesures relatives aux pensions, que nous avons communiquées par mail à nos affiliés. L’accord marque, dans les grandes lignes, une meilleure prise en compte des périodes assimilées de travail effectif en ce qui concerne le droit à la pension minimum (l’ancienne condition de travail effectif était trop désavantageuse pour les femmes), le retour du bonus pension, ainsi que la suppression de la pension pour inaptitude physique pour les fonctionnaires, ainsi qu’une limitation de la péréquation. Enfin, deux mesures concernent la pension complémentaire : la modification du calcul de la cotisation AMI (assurance maladie invalidité) et la « cotisation Wijninckx » qui passe de 3 à 6%.
 

Quelle est votre première réaction à cette réforme des pensions ?

Sabine Slegers : Tout d'abord, je tiens à souligner qu'il ne s'agit que de déclarations politiques. Il n'y a pas encore de décisions ou de mises en oeuvre concrètes. La seule chose concrète qui a été faite jusqu'à présent est d'augmenter le montant des pensions minimales en quatre étapes, bien que la dernière augmentation ait déjà été annulée. Mais il reste encore à mettre en place une véritable législation et à vérifier avec les différentes administrations nationales si et comment tout cela peut fonctionner dans la pratique. La  préoccupation de la CGSLB est donc de savoir si les déclarations déboucheront effectivement sur quelque chose. Quand verrons-nous les mesures finales ? En tant que partenaires sociaux, nous voulons que les amendements législatifs concrets nous soient soumis, mais nous n'avons pas encore vu les premiers textes.
 

Peut-on enfin parler de la grande réforme des pensions ?

Malheureusement non. Il s'agit d'une série de mesures individuelles. Certaines d'entre elles ne sont rien d'autre qu'une correction de l'accord estival de l'année dernière. L'Europe s'était alors retournée contre notre pays. Mais s'agit-il de la réforme des pensions que la CGSLB attendait, une réforme qui va garantir le droit à une pension correcte ? Non ! Cela reste en suspens et tout accord sur l'essentiel reste en suspens. Le gouvernement ne s'est concentré que sur deux aspects de la réforme des pensions : travailler plus et plus  longtemps. Et sur les économies, en annulant les augmentations accordées précédemment, en particulier dans le secteur de la fonction publique. Encore une occasion manquée.
 

Selon vous, en quoi devrait consister une véritable réforme des pensions ?

Tout d'abord, il devrait y avoir un large débat avec comme questions de départ : qu'est-ce qu'une pension digne et comment l'obtenir ? Qu'est-ce qu'une pension digne et comment allons-nous la financer ? Et comment allons-nous faire en sorte qu'il soit possible de travailler plus longtemps ? Cependant, ce gouvernement ne pense qu'à une chose : comment dépenser moins ? Il ne fait pas le lien avec une politique de carrière où les gens peuvent travailler plus longtemps et donc contribuer. Suite à la Conférence pour l’Emploi de 2021 sur les fins de carrière harmonieuses, un plan d'action avait été élaboré et la ministre des Pensions y fait maintenant référence, mais le lien n'est fait nulle part dans l'accord sur les pensions. Au Syndicat libéral, notre conception des pensions dignes et correctes, ce sont des pensions qui maintiennent les gens hors de la pauvreté.
Deuxièmement, outre le principe de solidarité, le principe d'assurance est également important pour notre syndicat. Dans ce domaine, il y a encore des lacunes. Les travailleurs contribuent largement à la constitution des pensions tout au long de leur carrière ; plus quelqu'un gagne, plus il contribue, et ce de manière illimitée. Mais une fois que les pensions de ces mêmes travailleurs sont calculées, certains plafonds s'appliquent, et ces plafonds ne s'ajustent pas suffisamment. Ce n'est pas correct.

Avec les mesures souples de cette réforme des pensions, le gouvernement ne tient pas compte de tout cela. Encore une fois, il n'y a pas eu de discussion complète et approfondie.
 

Les partenaires sociaux avaient pourtant pris un bon départ…

En effet, le 8 mars de cette année, au sein du Conseil national du Travail, les partenaires sociaux ont soumis un avis détaillé accompagné d'un rapport élaboré par des experts, dans lequel nous nous sommes mis d'accord sur trois points. Premièrement, il s'agissait de la soutenabilité sociale et financière des pensions. La CGSLB a fortement insisté sur ce point : le montant de votre pension doit être suffisant pour vous permettre de vivre. J'ai également rappelé le principe de l'assurance. Bien entendu, la soutenabilité financière des pensions n'est pas non plus sans importance. Le Syndicat libéral est conscient du problème du vieillissement, mais insiste sur la nuance et la bonne perspective, et non sur une histoire catastrophiste. Nous sommes conscients que tout est coûteux, mais on peut se demander si les pensions ne devraient pas être payées uniquement grâce aux revenus du travail et à l'emploi des travailleurs. En outre, dans l'avis, nous nous sommes mis d'accord sur l'expansion et la démocratisation des pensions complémentaires. Nous y avons également développé une vision et des principes concernant les nouvelles dimensions de la famille, comme les parents isolés, etc. Dans l'ensemble, nous avons conclu un accord très volumineux et étayé, mais nous n'en voyons pas les retombées au niveau des responsables politiques dans leur projet de réforme des pensions.
 

Vous avez mentionné les pensions complémentaires, un sujet important pour la CGSLB ?

En effet, le Syndicat libéral s'engage non seulement pour le système de pension légale, qui doit être solide et fiable, mais aussi pour le deuxième pilier de pension, c'est-à-dire les pensions complémentaires. Le dernier plan du gouvernement augmente la "contribution Wijninckx" sur les pensions complémentaires de 3 à 6%. Il s'agit d'une cotisation spéciale de sécurité sociale payable sur les pensions complémentaires élevées. C'est l'employeur qui paie cette cotisation. Du côté des travailleurs, on pourrait faire valoir que cette augmentation de la cotisation n'est finalement pas si mauvaise, parce que ce n'est pas le travailleur qui doit la payer et parce que l'augmentation ne s'applique qu'aux pensions complémentaires élevées. Mais c'est le principe qui nous préoccupe ! Pour la CGSLB, la pension complémentaire est un complément digne d'intérêt. Nous avons toujours dit - et cela a été confirmé dans le dernier accord interprofessionnel - qu'il ne fallait pas y toucher fiscalement ou parafiscalement. Aujourd'hui, le gouvernement enfreint cette règle ! Il laisse donc la porte entrouverte. Cela met une sérieuse pression sur le développement et la démocratisation des pensions complémentaires. Cette porte doit être refermée ! C'est le  principe qui est important, c'est l'accord interprofessionnel qui est battu en brèche.
 

Au final, n'y a-t-il vraiment rien de bons dans cette réforme des retraites ?

Nous saluons le principe du bonus de pension. Car avant, les plans du gouvernement favorisaient un malus de pension : ceux qui arrêtaient de travailler tôt étaient pénalisés. Grâce à nos efforts et à notre insistance, le gouvernement a réexaminé la question et a finalement proposé un bonus de pension et non un malus. Le montant stipulé sera payé net et pourra être versé en une seule fois. Mais je reste prudemment optimiste, je veux voir l'impact concret de cette mesure. Ce bonus de pension risque-t-il de devenir tout au plus une note de bas de page, qui peut déjà disparaître lors de la prochaine législature ? Je veux que cette mesure soit juridiquement gravée dans le marbre !

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