Danger sur notre modèle de sécurité sociale !

02/01/2017 - 16h

Le 28 octobre dernier, sans grand retentissement, sur proposition des ministres De Block et Borsus, le gouvernement fédéral a posé des jalons importants vers une réforme du financement de la sécurité sociale. L’adaptation du financement pour tenir compte de la réforme de l’Etat, la réforme du financement alternatif et la réactivation – temporaire - de la dotation d’équilibre portent des coups sévères à l’essence même du modèle de sécurité sociale. Ce projet de réforme  ne doit pas être passé sous silence. A terme, il risque  de rompre complètement l’équilibre d’une sécurité sociale qui fera désormais l’objet d’arbitrages politiques ancrés dans la loi.

Le projet de loi proposé a partiellement suivi l’avis que les partenaires sociaux avaient rendu en juillet 2015 : neutralisation de l’impact sur le budget de la sécurité sociale de la 6e réforme de l’État, simplification du financement alternatif (TVA et précompte mobilier), transfert des dépenses qui ne devraient pas relever de la sécurité sociale (ce qu’on a appelé les « œufs de coucou ») vers les départements concernés  et le rétablissement, à partir de 2017, de la dotation d’équilibre (mais seulement pour 4 ans). Tous ces éléments passent largement au second plan en raison d’un sous-financement larvé (en raison d’une surestimation des effets retour) et du mécanisme dit de « responsabilisation ».

Le gouvernement fédéral concocte ainsi une dangereuse et insidieuse fragilisation de la sécurité sociale.
 

La « sécu » affaiblie par un financement instable

Le mécanisme dit de « responsabilisation » inclus dans le projet de loi revient en fait à ancrer dans la loi un levier qui permettra, lors de chaque discussion  budgétaire, d’entamer au préalable un débat sur des « économies antisociales » et de remettre en cause les accords conclus entre partenaires sociaux. Nous connaissons déjà ce type de discussions avec le gouvernement actuel. Il en fut ainsi lors de la confection du budget 2017. La nouveauté est que ce marchandage aux dépens de la sécurité sociale serait désormais ancré dans la loi. Il se reproduira donc à chaque discussion budgétaire, tout comme ne cessera de se renforcer le déséquilibre criant entre le laxisme en termes de recettes fiscales et  la rigueur à l’encontre des allocataires sociaux et des soins de santé.    

A l’avenir,  la sécurité sociale sera  donc encore plus exposée à des arbitrages politiques permanents.
 

La mort de la cohésion sociale

Ce texte de loi affaiblit aussi significativement la concertation sociale à divers niveaux (remise en question des accords sociaux, mise sous tutelle des Comités de gestion,...). Il autorisera en effet le gouvernement à corriger ou à ignorer des accords sociaux en fonction de leur impact budgétaire sur la sécurité sociale.

Il met également la sécurité sociale sous la tutelle d’une Commission Finance et Budget qui mettra à l’écart le Comité de gestion tripartite de la Sécurité sociale.

Ce « trompe-l’œil » d’une gouvernance soit disant neutre et « technocratique » de la sécurité sociale cache surtout le renforcement du pouvoir du gouvernement. Pourtant, ce renforcement n’a guère de raisons d’être. D’une part, le gouvernement instaure déjà des  mécanismes qui lui permettent d’imposer ses choix politiques. D’autre part, il attribue la responsabilité des mesures qui découlent de ses choix à d’autres, en l’occurrence les  partenaires sociaux.  Ceux-ci seront finalement contraints de proposer des mesures d’économies, le couteau sous la gorge et de s’assurer que le compte est bon.

En fin de compte, le gouvernement s’arroge subtilement, mais inexorablement, le droit de rétrécir la protection sociale. Alors même que les défis auxquels elle doit répondre sont de taille.
 

Répondre aux besoins de la population

Il est aujourd’hui essentiel de rappeler que les partenaires sociaux avaient plaidé, dès juillet 2015, pour un financement stabilisé de la sécurité sociale via une dotation d’équilibre pérenne qui offre la garantie que les ayants-droits pourront aussi bénéficier de leurs allocations sociales ou leurs soins de santé en fin d’année, non seulement jusque fin 2020 mais aussi par la suite.

Dans le même ordre d’idée, il s’agit de renforcer le rôle des interlocuteurs sociaux  sur l’avenir de la sécurité sociale au lieu de déstabiliser celle-ci. Enfin, il faut cesser d’appréhender la sécurité sociale comme un coût alors qu’elle est un élément essentiel de la cohésion sociale et du mieux vivre ensemble.

Elle est, en effet, un moyen de répondre aux besoins de la population. Les pensions doivent être garanties, les soins de santé doivent être remboursés et les invalides indemnisés ! La réalisation de ces objectifs n’est pas illusoire. La solution pour un financement équitable de la sécurité sociale  est évidente: dans un premier temps, celui-ci passe inévitablement par une meilleure justice fiscale. Il n’est pas concevable que les politiques fiscales non-abouties du gouvernement aient pour conséquence de faire payer l’addition aux citoyens. Ceux-ci ont déjà donné, ça suffit !

Sans ce changement de cap que nous appelons de tous nos vœux, ce sera la fin de notre modèle de sécurité sociale.
 

Signataires

  • Mario Coppens et Olivier Valentin, CGLSB-ACLVB
  • Christian Kunsch, MOC
  • Luc Van Gorp et Jean Hermesse, MC-CM
  • Marc Leemans et Marie-Hélène Ska, CSC-ACV
  • Rudy De Leeuw et Marc Goblet, FGTB-ABVV
  • Michel Jadot, Jean-Pascal Labille, Paul Callewaert. Solidaris
  • Dominique Surlot, PAC
  • Patrick Develtere, beweging.net
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